L’autodidacte, cet incompris

Avec l’avènement, et l’amélioration continue des, dites, intelligences artificielles, plus spécifiquement des grands modèles de langages (Large Language Models ou LLM), je me retrouve au cœur de cette question de l’autodidactisme.
Utilisateur des premières heures, j’ai suivi leur évolution, et ai profité d’une augmentation de ma productivité parallèle à l’accélération de leur performance. J’ai appris à l’usage à déjouer leurs pièges, et à optimiser ma communication.
En l’espace de quelques mois, après une très longue procrastination, j’ai développé:
- un plugin pour Obsidian, un outil open-source de gestion de notes déstructurées, qui permet d’importer les exports de ChatGPT ou Claude (https://n-ere.com/88gOyd)
- une intégration améliorée de prises de courant connectées pour Home Assistant, le leader incontesté open source de la domotique, prolongeant leur vie de plusieurs années (https://n-ere.com/fOrgft)
- et son module Python (https://n-ere.com/up0bWT)
- une extension WordPress capable de traduire automatiquement dans de nombreuses langues, en cours de développement (https://n-ere.com/OFQfjf)
- une extension WordPress permettant de générer des liens raccourcis (short links) à l’instar de bitly ou chk.me, sans dépendre d’un service extérieur (également en cours de développement)(https://n-ere.com/huxc8z)
j’ai retrouvé le plaisir ressenti lors de mes premières découvertes, il y a de cela plus de 30 ans, lorsque je passais des heures incalculables sur mon ordinateur à tester toutes sortes de choses.
Pour en arriver là, j’ai passé un temps insoupçonné à converser avec de nombreux modèles, j’ai testé différentes approches, et de nombreux outils, sans jamais suivre de formation. Juste par essai/erreur. Je comptabilise aujourd’hui dans Obsidian plus de 3000 conversations ChatGPT ou Claude. C’est donc sans compter celles que j’ai supprimé, et celles que j’ai eu sur d’autres plateformes.
L’autodidacte et la résilience
Enfant hyperactif à mon insu, j’ai eu une scolarité plutôt difficile. Harcèlement scolaire, impatience et énervement souvent légitime des professeurs excédés par un élève dissipé, agité, bruyant, incapable de rester concentré sur des cours souvent ennuyeux. À cela s’ajoutait une violence domestique quasi-quotidienne exacerbée par mon TDAH (Trouble de Déficit de l’Attention avec Hyperactivité) , venant souvent punir mon incapacité à faire l’effort d’apprendre des sujets qui ne m’intéressaient pas et à rester en place. À 17 ans, j’ai fini par abandonner les bancs pour partir faire ma vie, loin de ma famille et de sa violence.
J’ai enchaîné quelques petits boulots dans la restauration, comme c’est souvent le cas pour les personnes qui, comme moi, fuient le domicile de manière anticipée pour prendre leur indépendance. Très vite, cependant, mon parcours a pris un tournant inattendu.
Pourtant, alors que je connais des personnes qui à 50 ans sont encore dans la restauration ou les petits boulots, j’ai fait une carrière internationale dans l’informatique d’entreprise. Et je le dois principalement à mon autodidactisme.
L’autodidacte et la liberté
Une fois libéré des dictats d’un système qui souhaitait que j’apprenne ce qui ne m’intéressait pas, je me suis très vite passionné pour l’informatique. Pour une fois, j’avais envie d’apprendre. Je choisissais d’apprendre. Je comprendrai beaucoup plus tard que ce n’est pas un hasard: en effet, lorsqu’on a un TDAH et une grande capacité à résoudre les problèmes par élimination, l’informatique est souvent une voie idéale, sans pour autant qu’on s’en rende compte. Car oui, chez les ingénieurs en informatique et les développeurs, il y a foison de neuro-atypiques. TDAH, autistes, haut-potentiel, dont une majorité s’ignorent encore.
A 17 ans, je changeais ma première carte-mère, pièce maitresse d’un ordinateur. Je me souviens encore de l’exaltation (et du soulagement) lorsqu’une fois tous les connecteurs branchés, j’ai appuyé sur le bouton et que rien n’a explosé. A 18 ans, je montais mon premier système de communication avec des technologies à l’avant-garde (BBS, DOS et DesqVIEW/X, RNIS (ISDN), BBS (Bulletin Board System), OS/2 Warp, pour les curieux qui aiment la technique).
Tout ça, sans avoir fait d’étude, ni pris aucun cours, et à l’époque, impossible de chercher sur internet. J’étais un passionné autodidacte. Mes sources et mes inspirations étaient des amis rencontrés dans des clubs informatiques, voire sur le Videotex, équivalent du Minitel à l’époque. Et de nombreuses heures, très nombreuses, vraiment très nombreuses, d’essai/erreur. Et c’est bien comme ça que la nature nous a conçu: Apprentissage par essai/erreur.
Internet a accélérer mon évolution. La connaissance devenait plus accessible. A 25 ans, je créais et administrait un des principaux sites de petites annonces en Suisse Romande. Malheureusement, inconscient de mes compétences, de mes qualités, n’ayant pas l’esprit entrepreneur, j’abandonnerai ce site en 2000 suite à l’explosion des annonces en dessous de la ceinture, et les scams d’emplois fictifs.
L’autodidacte et la nouveauté
Après la restauration à Lausanne, je me suis retrouvé à Genève, dans un poste de secrétaire-téléphoniste. Très vite, je me suis plus intéressé à l’informatique nécessaire à mon travail qu’au travail lui-même. J’ai fait mes premières pas en applications et bases de données avec Microsoft Access qui, dans sa première version générait tout à travers des assistants visuels uniquement, puis qui dès la deuxième version permettait de voir le code généré par les assitants. J’ai alors appris à le lire, et très vite, à le curer, l’améliorer, pour obtenir l’excellence que j’en attendais. J’ai développé un petit CRM (suivi de clientère), et d’autres outils pratique. J’ai très vite chercher à profiter des outils informatiques pour me faciliter la vie.
Après deux ans, et un cumul d’ennui, j’ai demandé à me faire licencié, et je ne savais pas quoi faire de ma vie. Je n’avais pas compris qu’on pouvait faire un métier de ma passion. C’est au hasard d’une rencontre suggérée par ma conseillère d’orientation que j’ai ensuite décroché mon premier poste de technicien en informatique dans une petite boîte de la place. Ne pouvant m’offrir de formation en informatique, elle m’avait suggérer de rencontrer le patron d’une entreprise locale d’informatique afin qu’il puisse me donner des conseils. Au lieu de cela, après 90 minutes de discussion, il m’a proposé mon premier emploi comme technicien en informatique.
J’ai alors monté et installé des dizaines d’ordinateurs, j’ai installé mes premiers réseaux, bus, token ring, ethernet, configuré mes premières serveurs, et fais mes premières migrations. A chaque fois, je me suis retrouvé devant des technologies que je ne connaissais absolument pas. Assisté de la documentation, je trouvais toujours ma voie. Des essais, des erreurs… et surtout des succès. Je n’ai pas le souvenir d’avoir laisser une tâche incomplète par absence de connaissance ou de compétence.
Deux ans plus tard, j’aurai l’opportunité d’un entretien avec le responsable du support de Dell Suisse, qui lui aussi m’engagera suite à nos échanges sur mes capacités acquises de manière autodidacte. Il faut l’admettre, je l’ai harcelé pendant 4 mois, chaque semaine, car il n’avait pas le fameux « headcount ». Il n’avait pas de poste à pourvoir. Il savait que ça devait venir… mais ça se faisait attendre. J’y passerai 16 ans dans différents postes, et j’y développerai de nombreux outils, basés sur différentes plateformes, dont j’apprendrai l’usage chaque fois que j’en aurai le besoin et l’envie. Pour les plus curieux, mon profil LinkedIn vous donnera plus de détails.
L’autodidacte au bon endroit au bon moment
Nous étions fin 1994 et il n’y avait pas encore de filière d’apprentissage en informatique en Suisse à part les universités et hautes écoles. Dos et Windows se démocratisaient, les entreprises s’équipaient de plus en plus vite, puis les particuliers. Et les personnes formées académiquement en informatique étaient plutôt des universitaires orientés sur les gros systèmes.
Dell avait alors besoin de fournir du support à des utilisateurs DOS et Windows et il n’y avait qu’une seule population susceptible de le leur apporter: Les geeks, les nerds, les neuro-atypiques passionnés et autodidactes comme moi. Deux ou trois ans plus tard, les premiers apprentis informaticiens sortaient des écoles. Si j’avais postulé à ce moment-là, il est fort probable que j’aurais fait une carrière dans la restauration.
Tour à tour technicien de support, chef d’équipe, Escalation Manager, technico-commercial et enfin ingénieur de déploiement, j’ai, tout au long de ma carrière chez Dell, appris tout ce dont j’avais besoin sur le tas, en mettant les mains dedans. Bien sûr, j’ai eu quelques formations, toutefois la crise de 2008 a mis un terme aux excellents cours dispensés par de grands gourous avec qui j’avais un plaisir incommensurable à apprendre, pour être remplacé par des cours en ligne inutiles, encore plus ennuyeux que dans mes souvenirs scolaires, sans aucune interaction possible pour répondre à toutes les questions qui n’étaient pas couvertes par les diaporamas. Nous entrions dans l’ère de la « Mort par Powerpoint ».
L’autodidacte face aux formations
Il faut comprendre que l’autodidacte est curieux. Il a soif de connaissances, de réponses. Il veut savoir, comprendre, maitriser. Il veut donner un sens. De tous les cours que j’ai suivi lorsque j’étais chez Dell, les meilleurs ont été ceux dispensés par des maîtres de leur domaine, à l’exception d’un seul, dispensé par une jeune formatrice débutante incapable de répondre à la moindre question hors du support de cours: inutile de dire qu’elle a frôlé le lynchage par notre équipe…
A contrario, il m’est absolument insupportable de faire une formation juste pour pouvoir dire: « j’ai fait la formation », « je suis certifié ». Et j’ai vécu très douloureusement l’évolution de l’industrie dans ce sens, où l’on nous demandait, à nous, passionnés autodidactes curieux et dynamiques, d’apprendre des choses juste pour avoir la certification, pour pouvoir mettre le petit logo d’un partenaire sur son site, et obtenir les rabais promis par celui-ci.
L’autodidacte apprend ce dont il a besoin lorsqu’il en a besoin. Pas avant. Pas pour rien.
L’autodidacte et l’opportunité
En 2016, alors au chômage, un ami, ancien collègue chez Dell, me demande: « Tu connais Platespin ? », un logiciel de migration de serveurs. Une dizaine d’année auparavant, j’avais fait un vague cours sur ce produit, et j’avais eu l’occasion de le tester. J’ai répondu « oui oui, bien sûr ». Je me suis alors retrouvé en Freelance sur un projet majeur d’une grande société d’énergie. Engagé pour la migration, j’ai fait un premier mandat de trois mois pour un site pilote. Le projet occupait quatre ingénieurs senior, un par technologie à implémenter sur ce projet d’envergure.
Durant mon mandat, j’avais du temps à tuer. Je me suis alors intéressé, à Nutanix, l’une des technologie en question, dont je n’avais alors aucune connaissance. Et ça m’a passionné. La caractéristique qui m’a plu le plus, et ce que j’ai ensuite souvent vanté auprès de mes clients et partenaires, c’est que Nutanix mettait la connaissance à la portée de tous: non seulement c’était simple, mais on pouvait creuser le sujet à volonté grâce à des sites comme The Nutanix Bible, ou les nombreux blogs dédiés au produit.
Après trois mois sur le projet de migration, j’ai passé ma certification Nutanix, et j’ai interpellé le chef de projet: « Tu n’as pas besoin de quatre ingénieurs pour ce projet. Je peux couvrir les quatre technologies. » C’est ainsi que je me suis retrouvé pour plus d’une année à piloter quatre sites supplémentaires. Grâce à mon autodidactisme, et à la disponibilité de la connaissance.
L’autodidacte au quotidien
Evidemment, mon parcours autodidacte ne s’arrête pas là, et ne touche pas que mon domaine professionnel.
En 2009, à l’occasion de la construction de ma maison, j’ai repris et administré un forum de construction, partageant mon expérience, apprenant des autres. En 2017, après mon WAIS IV (test de QI), je reprendrai l’administration d’un groupe Facebook sur le haut-potentiel. En 2021, après avoir adopté mon chien, je me suis passionné pour la lecture des comportements canin et ai développé une capacité fine à comprendre leurs interactions, mais aussi l’interaction maître-chien souvent à l’origine des problèmes de chiens dits « agressifs ».
C’est sans parlé de ma connaissance et de ma compréhension approfondie de mes troubles (TDAH, Syndrome de stress post-traumatisme complexe, anxiété, haut-potentiel) et par extension, de ma capacité à écouter, entendre, comprendre, et accompagner les autres qui traversent des inquiétudes similaires.
Il n’y a pas de limite à ce qu’un autodidacte peut apprendre. La condition sine-qua-non ? Que la matière l’intéresse. Et bien sûr, qu’on ne lui mette pas des bâtons dans les roues.
L’autodidacte et son paradoxe
Et c’est la que le bât blesse. Car dans un monde normatif ou tout doit-être cadré, mesuré, calibré, identique, l’autodidacte se perd. Si vous coupez les ailes à un oiseau, il ne volera plus, et il y a de grande chance qu’il déprime et en meurt.
Nous voilà donc sur le paradoxe de l’autodidacte : dans un monde de diplômes et de certifications, les processus de recrutement se focalisent sur des profils standardisés. On cherche le mouton à 5 pattes. On demande des experts avec 10 ans d’expérience sur un produit qui n’existe que depuis 5 ans (oui, ça arrive régulièrement en informatique), ou des spécialistes ultra-pointus sur des technologies précises. Cette approche reflète un biais cognitif : la croyance que la spécialisation étroite garantit la performance au détriment de l’adaptabilité.
L’autodidacte lui déstabilise par la largeur, la variété et parfois la déconnexion des connaissances qu’il vante. Il interroge, il surprend. On ne comprend pas vraiment de quoi il est capable. Pourquoi un team leader d’un service de support indique dans son CV qu’il maîtrise des technologies qui n’ont rien à voir avec son mandat ou son parcours professionnel ?
L’adaptabilité, et je ne parle pas de l’adaptabilité à la pression et aux environnements toxiques, l’adaptabilité de l’autodidacte fait qu’il apporte de la valeur là où elle n’est pas mesurée. A l’instar d’autres de mes collègues autodidactes, j’ai développé chez Dell de nombreux outils à forte valeur ajoutée qui n’entraient pas dans mon cahier des charges, et donc n’étaient pas considérés dans la mesure de mes performances: ticketing, demandes d’offres automatisées, suivi des performances téléphoniques, intranet, extranet, et j’en passe.
A l’heure de l’adoption massive des intelligences artificielles, modèle s’il en est de technologie autodidacte et adaptative, on note l’ironie de voir les entreprises leur confier des tâches critiques à apprendre et maitriser, alors qu’elles ont toujours refusé, et refusent encore, d’engager des personnes qui ont ce fonctionnement.
L’autodidacte à l’heure des LLMs
Les LLMs (Anthropic Claude, Mistral Le Chat, OpenAI ChatGPT et Cie) sont des outils extraordinaires pour l’autodidacte que je suis. A l’instar de Microsoft Access 2 qui me permettait d’utiliser des assistants, des wizards, pour ensuite aller lire, apprendre, comprendre, et améliorer le code, les LLMs me permettent de mettre en œuvre des idées, puis alors qu’ils exécutent, apprendre à la volée les contraintes, les limites, les améliorations nécessaires.
D’itération en itération, j’augmente mes connaissances, mon expérience, et la qualité de ce que je produis dans tous les domaines dans le but d’atteindre l’excellence que je recherche. Grâce à eux, j’ai retrouvé la fraîcheur de mes découvertes des premiers temps, de mon apprentissage du code avec Access 2, ou de mon intérêt pour Nutanix.
A l’heure où Google et ses concurrents sont devenus des moteurs de recherche corrompus et inutilisables, les LLMs m’apportent à nouveau la connaissance dont j’ai besoin, lorsque j’en ai besoin. Et j’ai acquis cette capacité indispensable et critique à leur usage: savoir qu’ils font des erreurs et apprendre de leurs succès comme de leurs échecs.
Après une période sombre pendant laquelle la connaissance est devenue moins accessible, noyée dans le marasme des outils de recherche corrompus par la poursuite du clic à tout prix, les LLMs sont un bol d’air, un nouvel espoir pour l’autodidacte.
Grâce à ce nouvel outil, la connaissance est à nouveau à la portée de celles et ceux qui, curieux, intéressés, cherchent les réponses à toutes les questions qui leur traversent l’esprit en tout temps.
Dans un monde à l’évolution exponentielle, à l’accélération continue, les qualités de l’autodidacte sont plus que jamais indispensables.
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